Revivre

Ugo Bertotti

Auteurs :
Ugo Bertotti (Scénario et dessin)
Date :
27 juin 2018
Format :
160 pages - Noir et blanc
16,5 x 24.0 cm
ISBN :
9782849533062
Prix :
15,00 €

Revivre

Ugo Bertotti

La transmission d'organe, transmission de vie, racontée au travers du cas réel d'organes prélevés sur une migrante arrivée en Italie.

Septembre 2013, Selma, réfugiée palestinienne de 49 ans, quitte la Syrie avec son mari et ses deux enfants à la recherche d’une vie meilleure, loin de la guerre qui frappe le pays.
Avec 70 autres migrants, elle embarque sur un bateau direction l’Italie. Durant la traversée, elle subit un grave traumatisme à la tête. À son arrivée au port de Syracuse, elle est encore vivante, mais plus pour très longtemps. Sa famille, avec le soutien du docteur Hassan, néphrologue palestinien, décide de faire don de ses organes. Trois Italiens en attente de greffe en bénéficieront.
Pour raconter cette histoire, Ugo Bertotti a recueilli les témoignages des membres de la famille de Selma, de ceux qui l’ont connue et surtout des trois personnes qui, grâce à Selma, sont toujours en vie.
Une histoire racontée avec pudeur et sensibilité.

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Entretien avec Ugo Bertotti

"Le cœur de l'histoire n'était pas la maladie, c'étaient les gens, leurs souhaits et leurs peurs"

On le connait à travers la série Marina publié pour la première fois dans L’échos des savanes et plus récemment grâce à l’album Le Monde d’Aïcha, aujourd'hui Ugo Bertotti publie Revivre


La Boîte à Bulles : Que ce soit pour Le Monde d’Aïcha qui raconte le quotidien de femmes yéménites et Revivre vous utilisez votre talent de dessinateur pour dénoncer des situations ou raconter des destins exceptionnels.


Ugo Bertotti : Je n’ai jamais songé à me définir comme un auteur "engagé". Pour une raison quelconque, cependant, je me suis retrouvé à faire des bandes dessinées de reportage sans le rechercher explicitement. J'ai saisi ces occasions parce que je sentais que c’était un défi : les bandes dessinées de ce genre nécessitent une longue gestation, de la documentation, une attitude d'écoute, une attention continue au respect de témoignages qui m'ont touché de plus en plus profondément. Dans le cas du Monde d’Aisha, en approfondissant le sujet, je me suis rendu compte que la réalité des femmes yéménites m'était complètement inconnue, qu’on ne savait rien de leur vie et qu'il était important que cela change. Revivre a demandé encore plus d’engagement, parce que j'étais en contact direct avec les gens que je dessinais. Raconter cette histoire a également joué le rôle d’un dédommagement pour cette famille qui a souffert.  


La BAB : Comment avez-vous entendu parler de l’histoire de Selma ? Aviez-vous en tête de faire une bande dessinée sur le don d’organe ou bien est-ce le sujet par les hasards de la vie qui est venu à vous ?


UB : Une fois Le Monde d’Aisha fini, je ne pensais pas faire d'autres BD de témoignage, car elles sont fatigantes. Devoir constamment adhérer à la réalité est épuisant et court le risque d’appauvrir le récit. Le compromis entre le besoin de témoigner et le plaisir de le faire repose sur un équilibre instable et fragile, c'est comme marcher sur les œufs. Bref, j'aurais voulu faire autre chose. Mais, curieusement, malgré ces réflexions, je me suis retrouvé impliqué dans un projet « socialement engagé ». Le Professeur Bruno Gridelli m’a proposé de raconter une histoire sur la transplantation d'organes, en mentionnant un fait réel sur lequel je pourrais baser l'histoire : une histoire de migrants et de dons. Au début, je n'avais aucune idée de comment traiter un tel sujet, mais cela m'a donné l'opportunité de me rapprocher de situations que je ne connaissais pas, d'un monde parallèle dont je ne savais rien ou presque.  


La BAB : Comment avez-vous obtenu l’accès à l’identité des bénéficiaires du don d’organe ?


UB : Grâce à l'ISMETT de Palerme, hôpital dédié aux transplantations, partenariat public-privé entre la Région de Sicile et l'Université de Pisttburgh Medical Center, dont le professeur Gridelli a été directeur. Deux greffes ont été effectuées dans cet hôpital, comme indiqué dans le livre.


La BAB : Quelles ont été vos premières impressions quand vous les avez rencontrés et que vous avez découvert qu’il s’agissait de personnes aux profils si différents ?


UB : C'étaient des réunions chaleureuses, fortes. La communication s’est avérée très facile dès le début. Ils m'ont parlé de leur expérience avec beaucoup de spontanéité, et pas seulement des souffrances qu'ils ont subies, mais surtout de la chance d’avoir pleinement retrouvé une vie. Oui, ils avaient des profils très différents mais ils partageaient la certitude d'avoir reçu un immense cadeau et le besoin de faire quelque chose pour le mériter. Je crois que parler de cela était leur façon de rendre quelque chose. J'ajoute qu'aucun d'entre eux n'était un lecteur de bandes dessinées, encore moins de romans graphiques, mais ils ne s'en sont pas inquiétés, c’est la confiance dans le projet qui a primé. 


La BAB : Quels questionnements intérieurs ce projet a-t-il soulevé chez vous ? 


UB : Au début j'étais inquiet, j’ai ressenti le poids de la responsabilité. Je ne savais pas quelle direction donner au livre, je pensais que la solution était de traiter l'aspect médical de manière extensive. Le projet avançant, les choses sont devenues plus claires en parlant aux gens. Le cœur de l'histoire n'était pas la maladie, c'étaient les gens, leurs souhaits, leurs espoirs, et leurs peurs. En faisant partie de leur vie, j'ai ressenti la force, la ténacité de ceux qui sont sortis d'un tunnel et se sont ouverts au monde, avec un désir renouvelé de participer, d'être là, de pouvoir faire les choses ordinaires du quotidien.


Peut-être que l'enseignement que j'ai reçu est de cultiver l'espoir et la confiance, même dans les moments les plus difficiles, et que la meilleure façon d'être au monde est de se sentir appartenir aux anneaux d'une seule chaîne.


La BAB : Quelle marge de liberté avez-vous pris pour raconter cette histoire ?


UB : Tout d'abord, j'aimerais préciser que Revivre n'est pas un reportage stricto sensu. Les scènes et les dialogues sont inspirés de faits réels, mais se sont peu à peu adaptés aux besoins narratifs. Ce que je veux, c'est restituer le sens, la substance, la vérité. À cet égard, je me suis assuré d'être clair avec tous les « protagonistes » dont j'ai traduit les confidences en prenant des libertés. Ils m'ont accordé leur confiance.


Par exemple, en ce qui concerne Selma, j'ai pu reconstituer son histoire grâce au Dr Hasan Awad, le néphrologue. La personnalité de Selma m'a été décrite par son frère et sa belle-sœur lorsque j'étais leur hôte à Malte, où ils habitent et où est enterrée Selma. Ils m'ont parlé de son caractère, de ses habitudes, de sa façon d'éduquer ses enfants. Et à partir de cette base j'ai essayé de lui donner vie. Dans le récit, j'ai imaginé les dialogues entre elle et sa famille dont Sandra, sa belle-sœur, après avoir lu le livre, m'a confirmé qu’ils étaient parfaitement plausibles. Une grande satisfaction pour moi.


La BAB : Quel a été l’investissement des 3 bénéficiaires du don dans cet ouvrage ? Ce livre était-il important pour eux ?


UB : Ce livre est important parce que ce qui prime pour eux, c'est que la culture du don d'organes se propage. Ils pensent que leur histoire peut être un exemple pour d’autres personnes qui se retrouvent dans cette situation.  


La BAB : Entre Selma, réfugiée palestinienne mourant durant la traversée et ces Italiens qui vivent dans un pays libre et en paix, ce don d’organe a une dimension encore plus symbolique. Un cadeau inestimable, rappelant aussi que tous les êtres sont égaux face à la maladie. Pourtant aujourd’hui, nous avons également vent des terribles trafics d’organes qui ont lieu en Egypte sur des migrants. Quelle réaction ce genre d’actualité provoque-t-il chez vous ?


UB : C'est incroyable comme on garde peu de souvenirs de l'histoire passée. Apparemment, oublier que nous avons un jour été des migrants est un vice récurrent. Maintenant, nous érigeons des murs, nous dessinons des frontières et nous laissons advenir des choses aussi brutales que le trafic d'organes. À ce propos, j'avais lu La Frontiera du journaliste et intellectuel Alessandro Leogrande. Un choc. Je ne peux qu'espérer qu’on changera de cap, que la politique des pays européens prendra en charge de manière responsable le problème dramatique des migrants.