La rafle d'Izieu

Pascal Bresson & Giulio Salvadori

Auteurs :
Pascal Bresson (Scénario)
Giulio Salvadori (Dessin)
Date :
03 avr. 2024
Format :
160 pages - Couleur
22.0 x 30.0 cm
ISBN :
9782849534984
Prix :
26,00 €

La rafle d'Izieu

Pascal Bresson & Giulio Salvadori

Interview

Le 6 avril 1944, un détachement de la Wehrmacht mené par la Gestapo arrête les 45 enfants de la colonie d’Izieu et les sept adultes présents sur les lieux. Seul un enfant et un adulte survivront à cette rafle et ses suites…


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Pascal, à quel moment as-tu découvert cette tragédie, la Maison d’Izieu et pourquoi avoir eu envie de faire cette bande dessinée ?


Depuis plusieurs années, je réalise des ouvrages qui parlent du devoir de mémoire. Après avoir raconté la vie de Simone Veil, le destin des trois soeurs Jacob et la traque des nazis par le couple Klarsfeld, il me paraissait essentiel d’aborder la rafle de la colonie d’Izieu. J’ai pris conscience très tôt que le devoir de mémoire consistait à enseigner et à transmettre aux plus jeunes. L’occasion de stimuler une réflexion par rapport à la Shoah, un moment charnière dans l’histoire mondiale… Mais surtout, rendre hommage à un groupe de 44 enfants juifs, réfugiés dans une maison transformée en colonie de vacances, ainsi qu’à leurs sept éducateurs raflés sur ordre de Klaus Barbie.


Pascal, sur quelle base documentaire as-tu construit ton récit ?


Je me suis rendu à plusieurs reprises à la colonie d’Izieu. C’est important de s’imprégner des lieux, d’une ambiance, d’un contexte. Je m’imaginais cette tragédie, je vivais vraiment l’instant au moment des faits. Par la suite, je me suis rapproché de Dominique Vidau, le directeur actuel de la colonie qui m’a apporté ses connaissances sur cette rafle ainsi que des noms d’ouvrages. Je me suis procuré ma propre documentation, notamment le livre de Sabine Zlatin, l’édition originale datant de 1992, qui pour moi reste le plus capital.


Pascal, tu as voulu donner un atour un peu polar à ton histoire, pourquoi ce choix ?


J’ai toujours fonctionné ainsi, j’aime un récit dans lequel sont emboîtés un ou plusieurs récits. Pour moi, la BD est le premier support média pour intéresser les jeunes à découvrir une histoire, un sujet. L’objectif étant de provoquer une réflexion, une analyse, une tension oppressante, une bonne intrigue, une émotion sans tomber toujours dans le côté historique pur et dur. Si on veut intéresser les jeunes pour transmettre le devoir de mémoire, il faut savoir les happer par ce que l’on veut raconter, même sur des événements aussi tragiques et ce jusqu’au dénouement.


Giulio, La Rafle d’Izieu est ta première BD, cela n’a pas été trop dur de s’attaquer à un pareil sujet ?


La plus grande difficulté que j’ai rencontrée a été la recherche d’une documentation historique et photographique d’un épisode qui m’était inconnu. J’y ai mis beaucoup d’énergie car j’avais besoin de construire une carte mentale des lieux, des visages et des événements. La visite d’Izieu en 2020 a été une grande ressource pour moi, me permettant de voir de mes propres yeux ce que je devrais plus tard raconter de mes propres mains.


Giulio, Izieu est-il connu en Italie ou pas du tout ?


Le raid d’Izieu n’est pas un épisode célèbre sur le sol italien, mais il n’est pas totalement inconnu. Il y a notamment une exposition permanente à l’Institut historique de Modène. Cette attention et cette sensibilité à l’égard de la rafle d’Izieu se justifient par un épisode «jumeau» qui a touché la ville. En effet, à Modène, il existe un bâtiment appelé «Villa Emma», qui a servi de refuge pour des enfants et des réfugiés juifs. En novembre 1943, elle a été le théâtre d’un raid qui, dans ce cas, a heureusement échoué.


Giulio, Pascal, quel personnage vous a le plus marqué dans votre récit ?


Giulio : Sans aucun doute, les éducateurs de la Maison d’Izieu. Ils ont réussi à offrir à ces enfants marqués par l’horreur et la perte, un lieu où ils ont pu retrouver un mode de vie « normal ». On le voit dans les dessins réalisés par les enfants, dans les photos qui témoignent de leur vie quotidienne, faite d’études, de repas partagés, de jeux et de fêtes. Une parenthèse de normalité et d’affection dans un contexte dramatique. C’est impressionnant ce qu’ils ont réussi à faire.


Pascal : J’ai été bouleversé par Sabine Zlatin par son courage, sa détermination et par son humanisme. Elle fait partie de ces héros qui ont donné un monde meilleur aux enfants en les protégeant de l’obscurantisme, du mal absolu. Grâce à Sabine, la colonie d’Izieu est devenue un symbole pour l’histoire et une leçon pour la mémoire.




INTWIZIEU3_defaultbodyVisite en 2020 de la maison d’Izieu. De gauche à droite : Giulio Salvadori, Pascal Bresson, Dominique Vidaud.



Dominique Vidaud, peux-tu présenter la Maison d'Izieu dont tu es le directeur ?


La Maison d’Izieu, ouverte par Sabine et Miron Zlatin, a accueilli de mai 1943 à avril 1944 plus d’une centaine d’enfants juifs. À l’exception de deux adolescents et de Miron Zlatin fusillés à Reval (aujourd’hui Tallinn) en Estonie, le groupe d’enfants et d’éducateurs raflés à Izieu est déporté à Auschwitz-Birkenau. Traqué et ramené en France par Beate et Serge Klarsfeld, Klaus Barbie est condamné à Lyon en 1987 pour crime contre l’humanité. Par le décret du 3 février 1993, la Maison d’Izieu est l’un des trois lieux de la mémoire nationale des victimes des persécutions racistes et antisémites et des crimes contre l’humanité commis avec la complicité du gouvernement de Vichy. Le mémorial de la Maison d’Izieu, inauguré le 24 avril 1994, a la mission d’être « un lieu de mémoire, d’éducation et de vie ».


Dominique, peux-tu nous dire ce qui est prévu pour la commémoration des 80 ans de la rafle ?


En 2024, pour le 80e anniversaire de la rafle des enfants et de leurs éducateurs, nous inspirant de Sabine Zlatin, nous avons l’ambition de rassembler des milliers de personnes à Izieu autour d’artistes lors de la semaine du 4 au 7 avril afin de rendre hommage aux enfants. Durant les journées de la mémoire, la culture sera particulièrement à l’honneur : elle incarne pour nous un moyen puissant de partage et de transmission, nous conduisant à multiplier les occasions d’organiser des concerts, des conférences, des pièces de théâtre, en les reliant à l’histoire du lieu.


Dominique, quel rôle penses-tu que la BD La rafle d’Izieu peut jouer ?


Elle viendra combler un vide car elle apporte indéniablement aux jeunes un plus en offrant à leur imagination un cadre respectueux de la vérité historique. Nul doute que cette BD saura satisfaire leur curiosité et leur besoin de comprendre en leur montrant la réalité d’une époque qui s’éloigne dans le temps mais dont on voit aussi malheureusement qu’elle pourrait redevenir d’actualité à l’avenir.