Coccinelle
Chercher la femme

Gloria Ciapponi & Luca Conca

Auteurs :
Gloria Ciapponi (Scénario)
Luca Conca (Dessin)
Date :
02 mai 2024
Format :
144 pages - Couleur
20.0 x 28.0 cm
ISBN :
9782849534946
Prix :
25,00 €

Coccinelle
Chercher la femme

Gloria Ciapponi & Luca Conca

Interview

Reine des nuits parisiennes en son temps, artiste française ayant joué sur les cinq continents, première femme trans connue du grand public… il était grand temps que Coccinelle bénéficie enfin d’une grande biographie. Aux commandes de ce récit de vie sulfureux, le duo de talent formé par la scénariste Gloria Ciapponi et le dessinateur Luca Conca.


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Qui était Coccinelle et comment résumer sa carrière foisonnante ?


Gloria et Luca : Coccinelle est née en 1931 à Paris sous le nom de Jacques Charles Dufresnoy. Chanteuse, actrice et danseuse, elle a été l’une des premières femmes trans du show-business, et certainement la plus célèbre. Coccinelle est devenue légalement Jacqueline en 1959, un après s’être fait opérer, grâce au travail de son avocat Robert Badinter. Son cas, tout à fait nouveau à l’époque, est discuté dans la presse du monde entier. Son succès parmi les grandes revues parisiennes au Madame Arthur, au Carrousel ou à l’Olympia lui permet d’accéder à une renommée internationale. Coccinelle est volcanique, infatigable entre tournées et amour, entre vie sociale et vie privée, elle joue même son propre rôle dans un film d’Alessandro Blasetti. Elle avait de grandes qualités humaines, elle faisait confiance aux gens, et cet aspect de son caractère lui a permis de connaître de nombreuses amitiés et des amours sincères, mais lui a causé des problèmes financiers et des peines de coeurs. Bref, Coccinelle est un personnage complexe, qui ne peut être définie de manière simpliste, ceux qui l’ont aimée savent qu’elle ne l’aurait pas voulu.


Vous êtes tous deux italiens, preuve que la renommée de Coccinelle dépasse les frontières de l’Hexagone. Comment vous est venue l’envie de parler d’elle ?


Gloria et Luca : C’est en discutant avec une amie scénariste française que nous avons été amenés à nous intéresser à Coccinelle ; nous la connaissions de nom parce que Luca et moi avions vu la comédie I don Giovanni della Costa Azzurra (une production franco-italienne). Vincent Henry de La Boîte à Bulles a cru dès le départ en ce personnage et au projet d’en faire un roman graphique. En creusant le personnage, nous avons réalisé à quel point sa vie pouvait constituer la trame parfaite d’une biographie passionnante.


Aujourd’hui, peu de monde semble se rappeler de cette star internationale décédée pourtant il y a seulement vingt ans. Sauriez-vous expliquer cette amnésie collective ?


Gloria : Je crois que Coccinelle était un personnage embarrassant non seulement à cause de son choix de changer de genre, qui a eu lieu à une époque où les gens ne savaient même pas ce qu’était la transidentité, mais aussi à cause des choix de vie qui l’ont conduite à des sommets de popularité suivis d’années d’oubli. D’abord transformiste de talent, elle est devenue une véritable star lorsqu’elle a choisi de se faire opérer. Cette décision a fait parler d’elle dans les médias de toute l’Europe. Mais au sommet de sa célébrité, elle a décidé de se rebeller contre le joug des grands magazines parisiens en revendiquant une indépendance, ce qui l’a obligée à se replier sur le public sud-américain. À son retour en Europe, les modes ont changées : Coccinelle n’est plus un phénomène, elle n’est plus un stéréotype de beauté, elle ne fréquente plus les stars du moment et, surtout, certains lui reprochent d’avoir abandonné son pays.


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Gloria, tu as dû composer avec un cruel manque de documentation fiable pour ce livre. Un vrai travail d’investigation, en somme ?


Pour ce livre, j’ai d’abord dû surmonter l’obstacle de la langue car, souvent, les idiomes de l’époque et l’argot employé par Coccinelle dans son autobiographie m’empêchaient de saisir des nuances importantes. Ensuite, grâce à mon éditeur Quentin Guibereau, j’ai eu la chance de pouvoir m’entretenir personnellement avec Thierry Wilson et de communiquer avec Bambi pour comparer les sources dont je disposais avec leurs souvenirs des années où ils ont connu respectivement son amour et son amitié. La lecture de leurs livres à chacun m’a également permis de croiser les informations, mais surtout de mieux comprendre la personnalité de Coccinelle. À ma grande surprise, j’ai ensuite découvert que de nombreux faits rapportés sur le web et dans son autobiographie elle-même sont faux, mais le message que Luca et moi voulions faire passer en  réalisant ce biopic portait sur la véracité du personnage, et non sur des dates ou des lieux – bien qu’ils soient tous vérifiés.


La vie et la carrière de Coccinelle reposent, par de nombreux aspects, sur son image. Quelle a été ton approche, Luca, pour représenter au mieux ce qu’elle a été ?


Afin de dessiner au mieux cette bande dessinée, j’ai utilisé un style graphique réaliste, précisément pour me rapprocher le plus possible d’un rendu photographique et documentaire. Sans renoncer au langage propre de la bande dessinée et à sa simplification du signe. L’aspect le plus déconcertant de la recherche des sources iconographiques et d’archives a été de réaliser à quel point Coccinelle apparaissait différente sur chaque photographie ; le même mois, son apparence et ses traits changeaient constamment. Cela est sans doute dû au maquillage et aux différentes coiffures ; sans oublier ses nombreuses chirurgies esthétiques. On peut dire que Coccinelle ne se ressemble jamais et que cet aspect histrionique et caméléonesque reflète aussi le côté imprévisible de son caractère.