En 2019, Yann Damezin éblouissait déjà ses lecteurs avec l’envoûtant Concerto pour main gauche. Cette fois-ci, il a choisi de mettre en images – aux couleurs chatoyantes inspirées des miniatures persanes – à un conte oriental, l’incontournable Majnoun et Leïli…
Ce conte se situe au Moyen-Orient. Dans quel contexte l’avez-vous découvert ? Êtes-vous familier de cette région du monde ?
Je ne saurais plus dire quand j’ai découvert l’histoire de Leïli
et Majnoun, mais je la connais depuis longtemps, peut-être même depuis l’enfance.
En fait, le projet de réaliser en bande dessinée une relecture de cette très belle histoire d’amour trottait dans ma tête depuis déjà plusieurs années. Mais je n’osais pas le faire, car j’avais peur d’en donner une vision superficielle et orientaliste. J’avais peur de ne jamais avoir suffisamment de connaissances et de familiarité avec la culture persane pour éviter ces écueils. Finalement, j’ai été encouragé par un ami iranien, ce qui m’a donné la confiance nécessaire pour entreprendre ce projet et lui chercher un éditeur.
Je porte depuis de nombreuses années un grand intérêt aux différentes cultures du monde musulman, et en particulier à la culture persane : j’apprends le persan, et j’ai déjà eu l’occasion de faire plusieurs voyages en Iran et en Turquie.
Pourquoi avoir choisi de conter cette histoire sous forme de poème en alexandrins ?
Ce projet était pour moi avant tout une manière de rendre hommage à la beauté des poésies persanes et arabes. Il m’a donc semblé intéressant et pertinent d’opter pour une forme poétique dans ma langue maternelle, le français. Auparavant, j’avais très timidement commencé à écrire des alexandrins en réalisant dans mon coin des traductions versifiées de courts poèmes persans que j’aimais particulièrement. J’y avais pris beaucoup de plaisir, d’où l’idée d’écrire cette bande dessinée sous cette forme.
Avez-vous choisi de moderniser les personnages, notamment Leïli, qui apparaît comme une femme libre, ou était-ce déjà dans le conte d’origine ?
Il existe de nombreuses versions de l’histoire, racontées par différents poètes, de différentes origines et époques. Il y a donc des variantes, et les personnages n’ont pas tout à fait la même psychologie ou la même coloration d’une version à l’autre.
Mon inspiration pour l’écriture du personnage de Leïli vient avant tout du poète Nezâmi (XIIe siècle), chez qui les très beaux personnages de femmes ont toujours une grande justesse et une véritable personnalité, et ne sont jamais de simples faire-valoir ou prétextes, ce qui est parfois le cas chez d’autres poètes.
Votre premier album, Concerto pour main gauche, était en noir et blanc. Qu’est-ce qui vous a motivé à passer à la couleur ?
Je souhaitais que mon projet rende hommage à la peinture persane, sans pour autant vouloir imiter et singer le dessin des miniatures, ce qui m’aurait semblé un peu maladroit et artificiel. D’ailleurs, je n’en aurais certainement pas été capable. J’ai donc décidé de conserver mon propre style de dessin sans chercher à le transformer, et de faire plutôt écho aux miniatures par le choix des couleurs : la vivacité, la luminosité et la finesse des gammes colorées employées dans la peinture persane sont extraordinaires, et le fait que la couleur y possède une véritable signification spirituelle m’a également beaucoup inspiré.
Quelle technique avez-vous utilisé pour vos illustrations ?
Le livre est entièrement réalisé à l’aide de techniques traditionnelles, sur papier. Je me suis pour l’essentiel servi d’encres colorées ainsi que de gouache, et parfois d’un peu d’aquarelle.