En proie à des questionnements existentiels, Fred Leclerc a quitté la pub pour se lancer dans l'enseignement. Dans Journal d'un prof à la gomme, il nous raconte avec humour et émotion le manque de moyens donnés aux jeunes profs.
Fred, comment passe-t-on de publicitaire à prof du jour au lendemain ?
Les métiers de la communication sont très prenants, passionnants, mais présentent aussi de nombreux défauts (stress, manque de sens, jeunisme...). Beaucoup de publicitaires, à la quarantaine ou cinquantaine, tentent des reconversions. Céramiste, écrivain, réalisateur, illustrateur, agent immobilier, coach sportif... et aussi prof. La reconversion se passe parfois bien... parfois moins bien. Souvent, on idéalise le nouveau poste, et on se plante. Mais je préfère mille fois essayer et me planter, que de rester coincé à tourner en rond indéfiniment.
Qu'est-ce qui t'a marqué dans cette prise de poste assez rock'n'roll ?
J'ai énormément appris de cette expérience. Quand on vient de la pub, c'est un peu le choc des cultures. J'en ai retiré de nombreuses leçons, notamment la lourdeur du système administratif, la difficulté de trouver la bonne posture devant les élèves, le manque de formation des profs débutants, la baisse de la capacité d'attention des enfants, l'abandon des parents, le courage des enseignants...
Dans Journal d'un prof à la gomme, tu nous fais passer du rire aux larmes en un claquement de doigts. C'est aussi ça, être prof ?
Oui, c'est exactement cela : en fait, quand on est prof en école primaire, on plonge dans le bain bouillonnant de l'enfance, et on ressent, comme les élèves, tout de façon plus intense : les peurs, les rires, les douleurs, l'amour, l'amitié, la haine... Tout est beaucoup plus fort. J'ai vraiment eu l'impression de plonger au cœur de l'humain, des sentiments, des émotions.
Pourquoi avoir voulu partager ton expérience en bande dessinée ?
La bande dessinée est, avec la musique, mon meilleur moyen d'expression, depuis ma plus tendre enfance. J'ai toujours dessiné. C'est donc le moyen que j'ai choisi pour raconter mon expérience à ma famille, mes amis, mes proches. Il aurait été impossible de tout raconter dans les moindres détails pendant un déjeuner, un dîner... ça aurait été long, et certainement ennuyeux ! Alors j'ai choisi la BD.
Après l'adoption ratée d'un chien dans Tiki, maintenant ton expérience déçue du métier de prof... c'est quoi, la suite ?
Hahaha. Oui, en effet, je raconte deux échecs consécutifs dans mes deux premières BD. Ça m'est tombé dessus comme ça, je n'ai pas vraiment choisi mes sujets. La bande dessinée a clairement eu pour moi une fonction thérapeutique, m'a permis de mieux analyser et de traiter ces échecs. Mais encore une fois, les échecs sont essentiels, ils sont les meilleurs révélateurs de notre personnalité. Et la plus grande des aventures est certainement l'aventure intérieure, la découverte de soi. J'aimerais bien cependant, pour ma troisième BD, essayer d'éviter de raconter ma vie !