Depuis octobre 2018, le mouvement des Gilets jaunes polarise les débats entre les pour, les contre… Sandrine Kerion, elle-même Gilet jaune, donne l’occasion à tous de mieux comprendre ce que représente ce mouvement, en faisant le portrait de neuf militants de la première heure.
Tu publies en juin J’ai vu les soucoupes, et ton nouvel ouvrage Mon rond-point dans ta gueule est déjà annoncé pour octobre. Comment cela se fait-il ?
À l’origine, J’ai vu les soucoupes devait sortir au début de l’année 2020, mais à cause de la crise sanitaire, sa publication a été reportée à cette année. D’où ces deux sorties assez rapprochées…
Le livre présente neuf portraits de Gilets jaunes. Comment as-tu rencontré et choisi ces personnes ?
Je connaissais déjà certaines d’entre elles avant le mouvement des Gilets jaunes. J’ai rencontré les autres sur les ronds-points, ou par le biais de connaissances communes. Il n’y a pas vraiment eu de « casting », j’y suis surtout allée à l’intuition.
Quel droit de regard ont-elles eu sur le portrait que tu as fait d’elles ?
J’avance avec ces personnes en toute transparence : je leur fais relire leurs portraits à chaque étape de leur réalisation. Ce n’est jamais simple de se raconter ainsi dans un ouvrage destiné au public, alors je mets un point d’honneur à rester à l’écoute des remarques et inquiétudes éventuelles de chacun. C’est essentiel pour moi qu’ils se reconnaissent dans leur portrait.
Comment définirais-tu ton livre Mon rond-point dans ta gueule ? Un livre de reportage ? De témoignage ? Un pamphlet – comme pourrait le laisser penser le titre ?
C’est un peu tout ça mélangé. J’assume le ton engagé du livre, mais j’apporte aussi une analyse et une prise de recul sur les événements, comme on peut en trouver dans une BD de reportage. Ça reste avant tout un livre de témoignages, mon but étant de laisser la parole aux personnes dont je dresse le portrait, et de raconter leur parcours de vie avant et durant ce mouvement.
Le livre sortira à l’occasion des trois ans du mouvement et six mois avant la campagne électorale présidentielle… Comment penses-tu qu’il va être reçu par les Gilets jaunes ?
Ce livre s’adresse avant tout à ceux qui n’ont pas été Gilets jaunes. J’ai voulu utiliser la bande dessinée pour apporter un autre regard sur ce mouvement. Je considère que c’est la pluralité des points de vue qui permet de mieux comprendre le monde. à chacun ensuite de se faire sa propre opinion.
Je ne sais pas comment le livre sera reçu par les Gilets jaunes. Mais j’espère qu’ils percevront la sincérité de ma démarche, et qu’ils s’y reconnaîtront.
Tu te définis comme autrice autodidacte. Comment as-tu appris à dessiner, à faire de la BD ? Et pourquoi un tel choix ?
Mon parcours autodidacte, j’en ai eu honte pendant longtemps. Quand je vois le niveau de maîtrise technique de la plupart de mes collègues issus d’écoles spécialisées, j’avoue que j’ai pas mal de complexes ! à présent, ce statut, j’ai plutôt tendance à le revendiquer. J’ai fini par me dire que c’était une force, et non une faiblesse.
Mon parcours de vie ne m’a pas permis de faire une école spécialisée, alors j’ai dû apprendre par moi-même, en lisant les œuvres des autres. Certains auteurs m’ont aussi ouvert les portes de leur atelier pour m’apprendre les rudiments du métier, et je les en remercie.
La bande dessinée, ça a toujours été assez naturel chez moi. Ma mère est une grande fan de BD : quand j’étais enfant, il y en avait partout à la maison ! Dès la maternelle, je racontais des histoires en images... et je n’ai jamais vraiment arrêté !