Le grand voyage d'Alice

Gaspard Talmasse & Jean-Hervé Bradol

Auteurs :
Gaspard Talmasse (Scénario et dessin)
Jean-Hervé Bradol (Préface)
Date :
17 nov. 2021
Format :
144 pages - Couleur
19.0 x 26,5 cm
ISBN :
9782849534021
Prix :
23,00 €

Le grand voyage d'Alice

Gaspard Talmasse & Jean-Hervé Bradol

Interview

Dans Le grand voyage d’Alice, Gaspard Talmasse nous plonge au cœur du génocide rwandais et de ses suites. Mais comme l’histoire qu’il nous raconte est celle d’une enfant en fuite, d’une réfugiée, c’est l’émotion qui prime dans cette bande dessinée…


Comment as-tu eu vent de cette histoire ? Quel lien as-tu avec la jeune Alice de ton récit ?


C’est assez simple : Alice est mon épouse. Durant les premières années de notre relation, elle me racontait des « anecdotes », des bouts d’histoire sur ce qu’elle avait vécu en Afrique. À chaque fois, je restais sans voix, je n’en revenais pas de côtoyer quelqu’un qui avait vécu de telles choses. Ne m’y retrouvant pas toujours très bien dans la chronologie des faits, je lui ai demandé de m’écrire son histoire complète. Son récit m’a paru si fort que je me suis dit qu’il fallait en faire quelque chose. Alice a donc accepté que j’en fasse une BD.


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Quel rapport entretient Alice avec cette bande dessinée ? Tu sembles avoir voulu garder son regard d’enfant sur cette histoire…


Avec ce roman graphique, Alice garde une distance à laquelle on ne s’attend pas forcément : elle relativise et ne fait pas de son histoire un événement particulier. Elle rappelle qu’il ne s’agit que d’un parcours de réfugiés parmi tant d’autres. Cependant, elle tenait à ce que ce parcours ne soit pas déformé. 
Il était aussi important pour elle qu’il n’y ait pas trop de témoignages annexes décrivant le contexte, car c’était son histoire avant tout. Son regard d’enfant me semblait être le bon angle, car il permet de rester constamment dans le vécu, le ressenti, l’émotion, à hauteur d’Homme (ou d’enfant). Quand on regarde un film, qu’on écoute une musique ou qu’on lit une BD, on ne retient pas tous les dialogues ou paroles par cœur, on oublie parfois la fin exacte. Ce qu’on retiendra toujours en revanche, c’est ce qu’on a ressenti en vivant cette expérience. Le souvenir des émotions reste.


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Avant de rencontrer ta femme, avais-tu une bonne connaissance du génocide rwandais et de ses conséquences ? As-tu eu besoin de beaucoup te documenter pour réaliser cette bande dessinée ?


Avant de rencontrer Alice, je ne connaissais le sujet qu’à travers des films, des reportages, des livres... Mais quand je l’ai rencontrée, je me suis rendu compte que j’avais été mis en face d’une représentation relativement simple de ce génocide. Je me suis donc documenté en images et en récits similaires, en fonction de ce que me décrivait Alice. J’ai aussi recueilli un certain nombre de témoignages, en assistant à des conférences et en rencontrant des personnes qui ont élargi ma compréhension du sujet.


Ce récit est celui de la fuite d’une fille hutu et de sa famille. Donc d’une enfant appartenant au clan des génocidaires… N’as-tu pas peur que ton histoire soit considérée comme politiquement incorrecte ?


Je n’ai pas particulièrement de craintes à ce sujet car la contextualisation est claire et transparente. De plus, en adoptant le point de vue d’une petite fille, se dégage du récit une certaine innocence, ou neutralité. Elle semble n’être en accord avec aucune violence, peu importe le clan. Je trouve cet angle particulièrement intéressant, car il complexifie ou affine un peu l’idée binaire que l’on peut se faire de ces événements. Il ne s’agit nullement d’une analyse politique ou historique, ni d’un récit explicatif, mais bien du vécu personnel d’une enfant qui cherche simplement à survivre.


Tu dessines selon quelle technique ?


Le découpage et les dessins sont faits à la tablette graphique sur ordinateur, mais je réalise la mise au net à l’encre de chine et à la plume pour le trait, et à l’aquarelle pour la couleur. J’avais la volonté de garder un côté « fait main » et spontané qui convenait plutôt bien au récit.


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