Simone Veil et ses sœurs
Les inséparables

Pascal Bresson & Stéphane Lemardelé

Auteurs :
Pascal Bresson (Scénario)
Stéphane Lemardelé (Dessin)
Date :
13 sept. 2023
Format :
160 pages - Couleur
19.0 x 26,5 cm
ISBN :
9782849534717
Prix :
25,00 €

Simone Veil et ses sœurs
Les inséparables

Pascal Bresson & Stéphane Lemardelé

Simone Veil et ses soeurs

Cinq ans après Simone Veil, L’immortelle, Pascal Bresson s’intéresse cette fois au destin tragique de sa famille. Accompagné de Stéphane Lemardelé, il livre un récit poignant et éclairant sur la construction de ses engagements et sur sa délicate reconstruction au sortir de la Seconde Guerre mondiale.Visuel_inseparables_defaultbody


Le grand public te connaît déjà pour ton immense succès, Simone Veil, L’immortelle (Marabulles), pourquoi ce nouvel album sur elle ?


Pascal : C’était capital pour moi, de compléter la vie de Simone Veil en parlant de sa famille et plus précisément de ses sœurs. Il y a beaucoup d’intérêt à lire ce livre car on aborde un pan méconnu de la Seconde Guerre mondiale : celui du retour des camps de concentration, de la vie après l’horreur. On va suivre la capacité des trois sœurs Jacob à se reconstruire, en gardant toujours à l’esprit le devoir de raconter leur déportation et de laisser une trace de l’indicible enfer des camps de la mort. C’est une histoire qui ressemble à un roman tragique mais qui met en lumière ces femmes fortes dont on ne peut qu’admirer le courage mais aussi l’intelligence.


Ton scénario est adapté des Inséparables de Dominique Missika (Seuil). Pourquoi s’être appuyé sur ce texte et comment s’est passé le travail d’adaptation ?


Pascal : Je connais Dominique Missika depuis quelques années, j’aime beaucoup son travail d’historienne. En 2018, à l’occasion d’une conférence sur Simone Veil, Dominique présenta son nouveau livre : Les Inséparables, Simone Veil et ses sœurs. à sa lecture, j’ai été captivé par son récit poignant qui éclaire sur la jeunesse des filles Jacob – Madeleine, Denise et Simone – toutes trois si belles et si vaillantes. Dominique mettait en exergue dans son ouvrage une problématique qui avait été tue : la difficulté de certains déportés à trouver une place dans la France de l’après-guerre. Aussitôt, je lui ai demandé si je pouvais l’adapter. J’ai donc travaillé à partir de son livre en y apportant ma petite touche personnelle, c’est-à-dire en mettant l’accent sur les personnalités de Denise et de Simone.


Image20230607105048_defaultbody

Chose peu commune, Simone Veil partage ici l’affiche avec sa sœur, la grande résistante Denise Vernay. Était-ce important pour toi de les remettre ensemble au cœur de l’histoire ?


Pascal : Complètement. Simone et Denise nous racontent leur histoire familiale. à travers ces pages, on peut ainsi pénétrer davantage dans leur intimité, du temps de leur enfance jusqu’aux années après-guerre. Il y est question évidemment de la déportation, mais surtout de la difficulté du retour des deux sœurs, de l’indifférence de la population qui a hâte d’oublier cette guerre. Or, il n’est évidemment pas envisageable pour Denise et Simone de tout oublier et de passer à autre chose. On va donc découvrir deux destins, deux vies parallèles, deux déportations opposées : la déportation juive et la déportation résistante. Chacune des deux sœurs défendait la sienne. Puis, c’est un album qui donne aussi à réfléchir sur : comment survivre à la déportation ? Comment survivre à la tragédie d’une famille décimée ? Comment arriver à supporter le regard des autres ? Comment témoigner et de quelle façon ? J’ai apprécié mettre en lumière la question du retour des déportés en France, c’est un sujet peu évoqué, l’histoire est vivante et humanise les images du passé…


À La Boîte à Bulles, on te connaît avant tout pour ton travail de BD-documentariste (Le nouveau monde paysan au Québec, Le storyboard de Wim Wenders...), comment s’est passée ta rencontre avec ce projet ?


Stéphane : Madame Veil a fait partie du paysage télévisuel de mon enfance et quelle que soit notre tendance politique, elle reste une dame d’importance. Qui plus est, elle n’a pas de casseroles derrière elle – constat devenu malheureusement exceptionnel. En grandissant, j’ai découvert son passé terrifiant. Je suis donc en admiration devant cette résilience, comme trop de femmes, si ce n’est toutes, forcées de vivre dans notre monde d’hommeries. Et, malgré une réticence à dessiner l’horreur nazie, l’époque où les sœurs reviennent des camps m’a finalement convaincu. Cet épisode révèle une certaine hypocrisie, le racisme et le machisme français qui sont, je crois, malheureusement toujours d’actualité.


Image20230607105106_defaultbody

En lisant l’album, on ne peut s’empêcher de remarquer que tu as fait des choix graphiques forts et inhabituels pour ce type de récits. Doit-on y voir une volonté de sortir des carcans de la biographie classique ?


Stéphane : Je ne tiens pas compte des genres dans le monde de la BD. C’est, pour moi, de la narration graphique que chacun range où il veut dans sa bibliothèque. Il s’agit juste de raconter une histoire grâce à une suite d’images qui doivent coller au récit. Et c’est un travail de longue haleine. Alors, plutôt que de répéter la même recette graphique à chaque fois, je préfère explorer de nouvelles avenues visuelles. Ce peut être un simple changement de pinceau, une texture bricolée ou s’inspirer d’un.e autre artiste. Et la vie de Simone Veil a connu tellement d’émotions extrêmes que je ne pouvais pas non plus me restreindre à une seule palette. J’ai alors cherché des colorations en lien avec chaque séquence et avec l’Histoire. Ainsi, l’enfance très colorée s’inspire de Hergé et des sérigraphies anciennes, avec parfois un décalage des aplats. J’y ai aussi appliqué un effet d’usure propre aux anciennes cartes postales abîmées par le frottement des manipulations. Anselm Kiefer a été ma référence pour les teintes des camps où Simone est passée. Celles choisies pour Denise tiennent plus aux uniformes de l’ennemi, comme elle le dit elle-même : « vert-de-gris ». Et ça évolue vers quelque chose de plus 
« chlorophylle » avec la Libération, qui est joyeuse chez elle. J’ai donc expérimenté diverses voies pour renforcer les émotions et tout simplement dynamiser la lecture. Chaque séquence reflète, en fin de compte, mon état d’âme lors de cette réalisation car on ne peut pas rester indifférent à de tels épisodes de vie.